En Egypte, l’amour fou pour le général
Les Egyptiens ont accompli leur devoir citoyen. Mardi 14 et mercredi 15 janvier, ils se sont rendus aux urnes pour le référendum constitutionnel. En lisant l’un de ces nombreux articles publiés dans la presse sur ce scrutin, je n’ai pas manqué de sourire. Selon un article à la place du tampon à apposer sur le bulletin de vote, des électeurs ont juste dessiné un cœur ! Et c’est là tout mon étonnement. Je savais l’attachement de beaucoup d’Egyptiens au général Abdel Fattah Al-Sissi, mais pas à ce point.

Dans les rues, pas besoin d’efforts pour remarquer les portraits géants de l’homme, imprimés sur des bâches ou tagués sur des murs, même si le temps d’une manifestation, ils ne manquent pas d’être écorchés. Au marché, certains commerçants ne vendent d’autres articles que des objets à l’effigie du général. Ces portraits sont aussi dans les voitures, sur des porte-clés, sans oublier les pages Facebook créées en son nom. Quelques manifestations de soutien à l’homme sont organisées par endroits à grand bruit.
Les « amoureux » du général ne manquent aucune occasion pour lui signifier leur gratitude. Le 6 octobre dernier, jour de la commémoration de la fête des forces armées, toute une foule était en liesse dans les carrefours, brandissant le drapeau rouge-blanc-noir et le portrait du général.
Qu’est-ce qui fascine tant les Egyptiens chez le général ? Est-ce ses interventions aussi sérieuses que concentrées à la télévision devant plus d’une cinquantaine de micros et de caméras ? Sa hardiesse pour avoir évincé le président issu de la confrérie des Frères musulmans ? Ou bien sa façon d’agir pour une sortie de crise ? Ces questions me reviennent souvent, lorsque je me souviens que la révolution avait eu entre autres pour but de mettre fin au pouvoir militaire porté par Hosni Moubarak. Je n’ai pas les éléments pour y répondre, les férus du général étant les mieux indiqués. Mais je permets de penser, et Dieu sait que je ne suis pas le seul, c’est que l’armée n’a donné qu’une petite part de pouvoir aux civils qui sont dans le gouvernement. Et dans cette configuration, ce n’est pas qu’une simple impression, c’est le général qui dirige le pays… c’est un fait. . .Et de plus en plus, les discussions sont réduites aux seules personnes d’Al-Sissi et de Morsi.
Depuis la chute de Morsi le 3 juillet 2013, le général Al-Sissi est devenu l’homme fort du pays. Les jours qui s’égrainent sont à son avantage. Sa popularité s’accroît et surclasse celle des autres membres du gouvernement. C’est son ego qui en est flatté, obligé pour autant de contrecarrer les velléités déstabilisatrices des Frères musulmans par la force qu’a l’armée qu’il dirige. Dans la nouvelle Constitution, l’armée a tout fait pour avoir ses articles. Preuve qu’elle n’aime pas qu’on veuille l’éloigner du pouvoir dont elle connaît les saveurs.
Aujourd’hui, pour nombre d’Egyptiens le général doit se présenter à la présidentielle. Selon lui, c’est le peuple qui l’appelle pour servir la nation. Le peuple sans les Frères musulmans, régulièrement démembrés depuis quelques mois ? Si le général se présente à la magistrature suprême, il a toutes les chances de passer au nom de cet amour fou.
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